« La population est invitée à limiter le nombre de points d’eau à ciel ouvert afin d’éviter une prolifération rapide du moustique tigre », peut-on lire sur le site des autorités. Mais de quelles autorités s’agit-il ? Sûrement camerounaises, sri-lankaises ou népalaises car la dengue, maladie tropicale négligée, est particulièrement répandue dans ces pays. À moins qu’il s’agisse du site web de la ville de Berne? En effet, le moustique tigre asiatique est originaire de pays tropicaux et subtropicaux, et préfère donc les régions chaudes et humides. Mais depuis les années 1990, il se répand en Europe, et sa présence en Suisse est avérée depuis 2003.
Or, avec l’arrivée de ces moustiques agressifs, apparaissent en Suisse des maladies jusqu’à présent surtout répandues dans les pays tropicaux. Un enjeu pour les autorités car la Suisse n’a jusqu’à présent guère été exposée à des maladies telles que le virus du chikungunya par exemple. Mais il y a de bonnes chances pour que notre système de santé, le plus innovant du monde, trouve des solutions adaptées
Catastrophes naturelles et maladies en augmentation
Les pays aux infrastructures de santé fragiles devraient toutefois ressentir beaucoup plus les effets du réchauffement climatique. On peut en voir les premiers signes notamment dans l’un de nos projets au Cameroun, qui vise à améliorer la situation sanitaire des Baka : les populations autochtones ont longtemps vécu en harmonie avec la nature dans les forêts du bassin du Congo, mais elles ont été chassées de leur habitat par la défo restation et les discriminations. En conséquence, les Baka sont particulièrement touchés par la malnutrition, les maladies liées à la pauvreté et les catastrophes naturelles.
Des populations défavorisées en raison de conditions « créées par l’humain », qui doivent désormais subir les effets du réchauffement climatique : les maladies telles que le pian ou la dengue, qui touchent particulièrement les communautés Baka, sont de plus en plus répandues. De plus, la saison des pluies a tendance à s’allonger et à s’intensifier, ce qui entraîne une augmentation des maladies associées. En effet, de l’eau stagnante vient s’accumuler pendant de longues périodes dans les trous du sol, constituant l’incubateur idéal pour les moustiques tigres ou autres animaux porteurs de maladies. Sans compter l’augmentation des inondations et autres catastrophes naturelles, qui peuvent couper certaines régions du reste du pays pendant plusieurs jours.
Impact du réchauffement climatique sur la santé
Des changements particulièrement marqués dans les pays au climat tropical, mais pas seulement. C’est pourquoi la stratégie de FAIRMED est d’aborder la santé de la manière la plus large possible en tenant compte du fait que de nombreux facteurs peuvent influer sur le bien-être d’une personne. L’accès à l’eau potable, la cohabitation entre les populations humaines et les animaux d’élevage, ou encore le réchauffement climatique – autant d’éléments qui ont une incidence sur la santé.
C’est pourquoi, dans notre travail, nous veillons à tenir compte des disciplines apparentées, telles que la médecine vétérinaire, ainsi que des considérations économiques et sociales. Cela implique également de reconnaître l’influence de l’action humaine sur la santé et le climat, et de l’intégrer dans nos mesures. Nos projets visent à renforcer les infrastructures de santé des pays de manière à ce qu’elles puissent un jour faire face aux difficultés sans que nous ayons à intervenir. Mais même si nous pouvons atténuer certains effets du réchauffement climatique de cette manière, il nous faut bien plus d’actions globales et de volonté politique pour obtenir des changements à long terme.
Lutter contre le réchauffement climatique – une question d’équité
La lutte contre le réchauffement climatique est également une question d’équité. En effet, les gaz à effet de serre sont principalement émis dans les pays riches, mais leurs conséquences se font avant tout ressentir dans les régions les plus pauvres du monde. Alphonse Um Boock, médecin et conseiller FAIRMED, appelle à un changement d’approche : « Pour lutter efficacement contre les maladies liées au réchauffement climatique, nous devons faire valoir l’exigence de justice. Les principaux émetteurs de gaz à effet de serre doivent supporter les coûts les plus élevés en matière de réduction des émissions et d’adaptation aux effets de la crise climatique ».
En la matière, la Suisse est bien placée pour jouer un rôle pionnier et inciter d’autres pays à suivre son exemple. Plusieurs groupes de travail fédéraux ont déjà commencé à se pencher activement sur les liens entre santé et climat. Dans une étude préliminaire menée il y a environ quatre ans, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires avait également esquissé l’impact du réchauffement climatique sur la santé des humains et des animaux. Toutefois, pour Alphonse Um Boock, la Suisse n’est pas la seule à devoir agir ; la communauté internationale et les organisations telles que FAIRMED ont également un devoir d’action. « Comme le dit un proverbe africain, une seule main ne peut attacher un fagot de bois. La situation ne peut s’améliorer qu’avec la collaboration de tous. »
Découvrez comment les peuples indigènes font face au réchauffement climatique dans l’article d’Alphonse Um Boock, notre conseiller FAIRMED et médecin à Yaoundé, au Cameroun
Personne ne doit souffrir ou mourir d’une maladie curable
Minyem Jacques Christian • Responsable pays Afrique centrale
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