Les arbres en bordure de la route sont abattus et brûlés, des chasseurs affluent le long de la route en tenant à la main de la viande de brousse qu’ils vendent aux voyageurs en route vers la capitale Yaoundé. Nous nous dirigeons vers le centre de santé d’Akok Maka pour y rencontrer le partenaire FAIRMED Henry Yendjo. Cet homme Baka de 31 ans est aide-soignant de formation et travaille depuis plus de deux ans comme partenaire FAIRMED. À Akok Maka, région à haut risque pour l’ulcère de Buruli*, qui est une maladie tropicale négligée, Henry a beaucoup à faire.

« Je m’occupe presque exclusivement de patientes et de patients souffrant d’un ulcère de Buruli. Tous appartiennent au peuple Baka, et quel que soit le village dans lequel ils habitent, ce sont tous mes frères et sœurs. Nous, les Baka, sommes défavorisés et pauvres, et si nous tombons malades en plus, notre situation peut devenir très précaire. Grâce à FAIRMED, nous pouvons offrir des perspectives aux personnes touchées par les maladies tropicales négligées et les empêcher de sombrer encore plus dans la pauvreté. C’est pour cela que j’aime me lever tous les matins ! »

*L’ulcère de Buruli est une maladie infectieuse de la peau d’origine bactérienne, qui fait partie des maladies tropicales négligées et qui touche principalement les enfants et les jeunes. Si l’ulcère de Buruli est traité trop tard, les plaies infectées peuvent provoquer des handicaps irréparables et entraîner l’amputation de membres.

Henry prépare avec Antoine, l’infirmier du centre de santé d’Akok Maka, les pansements pour la prochaine patiente : Viviane. La jeune fille de 14 ans montre à Henry la plaie sur sa main. Henry soupire. « Viviane, tu ne soignes pas suffisamment cette plaie. Tu dois changer le pansement tous les deux jours. Et s’il te plaît, ne pose plus de plantes dessus, utilise la pommade que nous t’avons donnée. » Viviane acquiesce et laisse Henry nettoyer la plaie.

« Tu te souviens à quoi ressemblait ta main quand tu es venue pour la première fois il y a deux ans? Elle était à moitié décomposée, parce que la plaie s’étendait sur tout le côté extérieur de la main droite jusqu’au poignet, et totalement paralysée. » Il est possible que la main de Viviane guérisse progressivement. « Après 56 jours de traitement antibiotique, nous avons réussi à éliminer les bactéries de l’ulcère. La question est désormais de savoir comment Viviane peut réussir à retrouver la souplesse de sa main. Nous allons essayer la physiothérapie, mais il est possible qu’une opération soit nécessaire », explique Henry.

Avec gentillesse, mais sur un ton sérieux, Henry explique à Viviane : « Viviane, la guérisseuse traditionnelle peut t’aider pour beaucoup de choses, mais tant que la plaie n’a pas guéri, tu dois arrêter de mettre des plantes dessus, seulement la pommade antibiotique, et reviens faire examiner ta main dans une semaine ! Sinon, tu ne pourras plus jamais retourner à l’école que tu as dû quitter, et tu devras travailler toute ta vie dans les champs ! » « Tu as raison », dit Viviane. « Je veux retourner à ’école. J’espère que ma main guérira bientôt. »

Depuis deux ans, Henry s’efforce d’aider Viviane à guérir sa main gravement endommagée par un ulcère de Buruli. Ce n’est pas une tâche simple. « Je vais régulièrement dans les champs pour l’examiner, parce qu’elle rate constamment les rendez-vous au centre de santé. Je vois qu’elle ne soigne pas la plaie selon nos instructions, mais qu’elle continue à expérimenter avec des herbes à la place, ce qui retarde la guérison de sa main. J’essaie à chaque fois de lui expliquer qu’elle restera handicapée toute sa vie si elle ne suit pas nos instructions. Et que sans rééducation de sa main, elle ne pourra plus jamais écrire et que son rêve de faire des études sera définitivement brisé. »