FAIRMED sur place : Tu es informaticienne et économiste de formation. Qu’est-ce qui t’a amenée à travailler pour une ONG ?
J’avais déjà travaillé pour la Croix-Rouge de 2008 à 2012, et avais beaucoup aimé m’engager pour l’aide en situations de catastrophe. Mais quand mon fils est né, je ne pouvais plus supporter une telle charge de travail. J’ai donc opté pour un travail de bureau avec ses horaires fixes, plus compatible avec ma vie de maman, mais moins porteur de sens à mes yeux. J’ai intégré une entreprise qui vendait des véhicules, où j’étais entourée de jeunes ambitieux qui n’avaient aucune idée de ce qu’ils faisaient ni de ce qu’ils attendaient de la vie. Il n’y avait pas de place pour le développement personnel, et le travail n’était ni stimulant ni intéressant.
C’est ce qui t’a incitée à poser ta candidature chez FAIRMED ?
Oui, je savais de mon expérience au sein de la Croix-Rouge que le secteur des ONG favorisait généralement les profils compatissants et motivés, et que ce domaine me permettrait de relever davantage de défis et d’évoluer professionnellement.
Et tu as le sentiment d’avoir trouvé le cadre que tu recherchais au sein de FAIRMED ?
Oui, indéniablement. Je me sens très inspirée par ma supérieure, Nayani Suriyarachchi, coordinatrice FAIRMED pour le Sri Lanka ! Elle est non seulement experte en matière de santé, mais aussi une excellente responsable, qui me pousse sans cesse à étendre mes connaissances et à améliorer mes compétences. Je trouve mon travail passionnant, intéressant et épanouissant.
Combien de collègues comptes-tu dans ton équipe ?
Dans mon secteur, je suis la seule collaboratrice FAIRMED. Mais je suis souvent amenée à travailler avec des agents de santé publique, notamment des auxiliaires de santé et des sages-femmes.
Combien de patients as-tu en charge ?
Ma patientèle compte 200 personnes handicapées, auxquelles je rends régulièrement visite. Parmi elles, 72 nécessitent un suivi plus étroit, c’est-à-dire que je leur rends visite au moins une fois par mois, je les conseille, j’assure le suivi de leurs exercices, je leur fournis des médicaments et les équipements nécessaires, je les aide à trouver du travail, à réaménager leur logement, et me tiens aux côtés de leurs familles pour les conseiller et les aider.
En quoi consiste une journée de travail standard pour toi ?
Je me lève à 5h pour faire la cuisine. Je prépare le petit-déjeuner et le déjeuner, et les emballe pour moi et mon fils car mon mari n’est là que le week-end. Ensuite, j’amène mon fils à l’école et commence ma journée de travail à 7h30 au bureau. J’assure d’abord quelques tâches de coordination, puis je me rends au domicile de trois ou quatre personnes handicapées en tricycle, que je loue. Souvent, je n’ai pas le temps de déjeuner et ne déballe mon panier-repas qu’à 18h, lorsque je retourne au bureau, où se trouve ma voiture. Une fois de retour à la maison, j’aide mon fils à faire ses devoirs, souvent jusque tard le soir. Parfois, je ne me couche pas avant 2h.
Ça ne te laisse pas beaucoup de temps pour dormir.
Non, et parfois les patients m’appellent même en pleine nuit. Comme Sryani, quand elle a attrapé la Covid. Nous étions au plus haut de la crise économique et de la pénurie de médicaments. Je lui ai demandé à plusieurs reprises si elle avait besoin de médicaments ou de nourriture. Mais elle voulait simplement parler à quelqu’un de ses craintes car elle ne parvenait pas à dormir.
Nous t’avons suivie dans ton travail et avons pu observer à quel point tu entretiens de bonnes relations avec tes patients. Tu t’occupes très bien d’eux, ils te font confiance et t’apprécient. Y a-t-il quelqu’un avec qui tu ne t’entends pas ?
Attendez, laissez-moi réfléchir ... Non, personne !
Comment as-tu réussi à redonner le moral à Silva (voir pages 8 à 11) ?
Quand je l’ai vu pour la première fois, il était en état de dépression profonde. Avant l’accident, il réussissait si bien dans la vie, il était passionné, talentueux et plein d’énergie, alors j’ai tout fait pour faire ressortir ces qualités qu’il avait mises de côté avec le handicap. Et comme vous pouvez le voir, il semblerait que j’aie réussi ! Il a retrouvé sa joie de vivre. Et maintenant, il en fait de même pour redonner foi en la vie à des jeunes qui ont perdu tout espoir à cause du handicap. J’adore voir les gens se relever comme ça et parvenir à se réinventer.
Qu’est-ce qui te motive dans ton travail ?
Je souhaite contribuer à ce que les personnes handicapées soient acceptées et puissent bénéficier des mêmes conditions de vie que les autres membres de la société.
Toi-même, tu n’as pas eu une enfance facile. Quand tu avais dix ans, ton père a été abattu par le Front de libération du peuple, une organisation armée indépendantiste active dans le sud du Sri Lanka, laissant ta mère seule pour subvenir aux besoins de sept enfants. À quel point cela t’a-t-il marquée ?
Ma mère est un vrai modèle pour moi, encore aujourd’hui. Malgré toutes les épreuves qu’elle a dû traverser, elle a toujours trouvé le temps de s’engager à titre bénévole. En plus de gérer son travail, notre éducation et le foyer, elle a continué de s’occuper régulièrement des personnes malades et démunies. Mon père aussi était comme ça. Aujourd’hui encore, trente ans après sa mort, des personnes me disent qu’elles lui sont reconnaissantes de l’aide qu’il leur a apportée.
Jeewanthi Senevirathna
Âge : 40 ans
Domicile : Polonnâruvâ, Sri Lanka
Situation familiale : vit avec son fils et son mari
Formation : informaticienne/économiste
Au service de FAIRMED depuis : 2017